• Prix lacritique.org  Réalités Nouvelles 2025

    Le salon Réalités Nouvelles trouve une autre énergie en cette année 2025 en investissant un nouveau lieu Césure, rue de Santeuil 75005 Paris. Lieu des savoirs inattendus, l’ancien campus Censier de l’Université Sorbonne-Nouvelle devient Césure pour quatre ans : « un tiers-lieu, terrain d’expérimentation et de lutte contre les précarités, un lieu de travail et d’échange autour de la transmission des savoirs, un espace décloisonné, ouvert, propice à la création. » Cela permet à tous les artistes du salon d’exposer dans le même espace. Héloïse Guyard participe depuis plusieurs années au salon Réalités nouvelles , dont elle a suivi certains déplacements à l’étranger pour des Hors les murs comme à la Maison des Échanges internationaux de Kyoto ou pour « Intention Non Intention II », à la Galerie 1905 de Shenyang, en Chine. Elle a montré aussi son travail dans la galerie Abstract Project gérée par l’association, pour cette monstration le titre en apparait symbolique de l’œuvre de cette année « Pretty little things ».

    Gilles Clément, philosophe et le plus célèbre paysagiste français, inventeur du Jardin en mouvement dans sa volonté classificatrice des états de nature a écrit Éloge des vagabondesHerbes, arbres et fleurs à la conquête du monde. Ces plantes vagabondes n’ont pas bonne presse : on les appelle mauvaises herbes, fleurs sauvages, et elles sont trop souvent interdites de culture ou d’entretien ! Tout le processus esthétique de l’artiste est précédé d’un protocole performatif. Sur le terrain urbain elle observe les plantes voyageuses, sauvages qui envahissent les friches, les bords des trottoirs et les coins de murs des bâtisses. Cela correspond aussi au temps de récolte des éléments d’un herbier. Lors de cette quête elle constitue des bouquets-trottoirs. Ce qui prouve l’importance de cette promenade performance est que chacun d’eux est légendé par le lieu du site où il a été recueilli : « Les Vagabondes, bouquets-trottoirs n°1, 2, 3, 4… (rue de la Libération, rue du Maréchal Leclerc, rue Gilles Nicolle, rue de la Gabelle, passage Meurdrac, rue des Déportés Martyrs… »

    L’intérêt de l’artiste est quasi écologique « J’arpente la ville et collecte ces plantes rudérales, qui poussent spontanément dans des endroits improbables – magie de leur instinct de vie : quelques millimètres entre le bitume, le béton, la pierre et la brique. » Cette série rejoint les préoccupations du plasticien multimédia portugais Joao Penalva dans « The Weeds of Hiroshima » quand en 1997 il a reproduit en les solarisant sous forme de photogrammes les mini-plantes urbaines ayant survécu 52 ans après la bombe atomique d’Hiroshima.

    On peut penser aussi dans cette logique qu’en respect des dimensions dans le réel Héloïse Guyard ne crée que de très petits formats, qu’elle réunit certes en tableaux mais qui nécessitent une vision de près.

    Le second temps de construction de ces images-traces revient à l’atelier. L’artiste réunit ces plantes, migrantes en « bouquets-trottoirs » qu’elle photographie et inventorie. Vient un temps chimique où elle broie et presse les bouquets pour en récupérer les pigments. D’autres manipulations voient ces pigments teinter ses papiers. Enfin elle dessine à l’encre point par point, des fragments de chacune de ces plantes, créant des planches botaniques, qu’elle envisage comme « un herbier des interstices ».

    Tous ces temps expérimentaux la rapprochent des pionniers britanniques de la photographie. On peut penser à William Henry Fox Talbot qui dès janvier 1839 montre des photogenic drawings. Ces silhouettes d’objets naturels , plantes, feuilles ou fleurs apparaissent en empreintes claires sur fond sombre. On peut évoquer aussi Anna Atkins photographe et botaniste qui a renouvelé l’édition et l’illustration scientifique. Dès 1823 elle réalise des dessins pour illustrer le livre sur les Mollusque de Jean Baptiste Lamarck. Elle utilise le procédé du cyanotype mis au point par John Herschel pour obtenir par contact un photogramme de couleur bleue. Elle publie le premier livre photo sur des algues. Tels des pochoirs azurés ils constituent des formes nouvelles d’herbiers.

    Face aux 36 petits cadres des « Vagabondes » de Réalités Nouvelles nous sommes obligés d’accommoder, de passer des papiers teintés aux transparents, aux dessins au point et aux photographies pour apprécier les subtiles matières traces de ces plantes sans qualité qui retrouvent de l’intérêt par le travail de l’artiste avec notre complicité esthétique.

    Le site de Héloïse Guyard

Publication

Nos engagements critiques pour des artistes sans galerie. Trente-cinq critiques présentent une soixantaine d’artistes de différentes générations.

340 pages, 11 x 18 cm. À commander sur le site des éditions NAIMA.

À la suite d’une défaillance de l’hébergeur, tous nos articles publiés depuis 2006 ne sont actuellement pas disponibles en ligne. Nos archives reviennent…

Publication

Une sélection de 72 textes sur plus de 6 000 articles d’une trentaine de collaborateurs de différentes générations.

420 pages, 11 x 18 cm. À commander chez votre libraire ou le site des éditions NAIMA.